Sur Encelade, des composés organiques nécessaires à la vie

enceladus

– Actualités du 8 octobre 2019 –

Entre 2004 et 2017, la sonde spatiale américaine Cassini a étudié pour la première fois le système saturnien depuis l’orbite. Cette présence prolongée a permis de déposer un atterrisseur sur Titan, de mesurer la rotation de Saturne ou encore de mettre en lumière les caractéristiques étonnantes d’une toute petite lune, Encelade. Avec ses 500 km de diamètre et ses températures de surface avoisinant les -200° Celsius, on pourrait s’attendre à ce qu’Encelade soit complètement morte. Elle constitue au contraire une des surprises les plus étonnantes qu’a permis de dévoiler la mission Cassini.

D’immenses geysers ont pu être photographiés près du pôle sud d’Encelade. Ils s’élèvent jusqu’à 500 km d’altitude avant d’alimenter l’anneau E de Saturne. Des mesures de gravité et de libration ont par la suite apporté une quasi-certitude à la communauté des planétologues : les geysers d’Encelade prennent leur source dans un immense océan souterrain. Ces découvertes ont fait du petit satellite une des priorités pour la recherche de vie extraterrestre. Malheureusement, la prochaine mission vers Saturne n’est pas prévue avant longtemps.

Il y a cependant encore beaucoup de découvertes à faire dans les données collectées par la mission Cassini. C’est le cas d’une étude publiée le 2 octobre 2019 par une équipe allemande. Les chercheurs ont mené une analyse très poussée des données collectées par un instrument scientifique de la sonde spatiale, l’analyseur de poussières cosmiques. Ils ont découvert de nouvelles signatures chimiques qui étaient jusque là passées inaperçues. Ils ont trouvé ce qu’ils pensent être des composés organiques comportant des atomes d’azote et d’oxygène. Ils pensent que ces composés sont de l’éthanal et de l’éthylamine.

Ce qui rend cette annonce très intéressante, c’est que ces composés organiques sont sur Terre à la base des réactions chimiques qui produisent les acides aminés et les protéines, des composants fondamentaux pour l’apparition de la vie. L’équipe allemande qui a annoncé ces résultats est en grande partie composée des mêmes chercheurs qui avaient communiqué la découverte des molécules organiques complexes dans les geysers d’Encelade en 2018.

On pense qu’Encelade a des geysers liés à un océan souterrain salé qui contient des composés organiques relativement complexes. Cet océan est en interaction avec un coeur rocheux. On y trouve peut-être des cheminées hydrothermales, une source d’énergie qui pourrait servir à alimenter les réactions chimiques nécessaire à la formation d’acides aminés, de protéines et peut-être plus. Sur Terre, les plus anciens fossiles de micro-organismes ont été découverts près de cheminées hydrothermales. Ils pourraient être âgés de plus de 4 milliards d’années. Certains chercheurs pensent même que c’est dans cet environnement qu’est apparue la vie. Si toutes les conditions sont réunies, Encelade pourrait avoir connu la même histoire.

C’est malheureusement une hypothèse difficile à vérifier. Ce qui nous intéresse se trouve tout au fond d’un océan, lui-même recouvert d’une épaisse croûte de glace. Et Encelade est situé à une dizaine d’années de voyage de la Terre dans les bonnes conditions orbitales. Cette découverte pourrait tout de même pousser au développement d’une nouvelle mission spatiales dédiée à Encelade. La prochaine sonde spatiales à partir vers Saturne est la mission Dragonfly, en 2026. La mission déposera un drone quadcopter sur Titan, une autre lune fascinante de Saturne. Peut-être qu’une petite charge utile secondaire pourrait se greffer sur le robot pour aller étudier les geysers d’Encelade.







Comme la Terre, Encelade abrite des molécules organiques complexes

— Actualités du 3 juillet 2018 —

Notre système est riche en composés organiques. Ces molécules, dont la composition comprend au moins un atome de carbone, sont considérées comme les éléments chimiques fondamentaux de la vie. C’est pourquoi on les appelle des molécules organiques. Jusqu’à présent, les composés organiques découverts dans le système solaires sont assez simples : le méthane par exemple n’est composé que de 5 atomes. Cette chimie organique simple semble très répandue. Certains chercheurs pensent même que cela a pu se former dans le milieu interstellaire avant la naissance de notre système solaire. Mais notre système solaire accueille-t-il aussi une chimie organique complexe en dehors de la Terre ?

Une équipe de l’université de Heidelberg en Allemagne pense que cela est possible sur Encelade. Les données qui servent de base à leur étude proviennent de la sonde spatiale Cassini qui a plongée dans l’atmosphère de Saturne l’année dernière. Mais avant son épilogue spectaculaires, la sonde spatiale Cassini a mené des analyses de spectre des geysers d’eau qui se forment au pôle sud d’Encelade. Ces analyses montrent la présence de molécules organiques complexes. C’est la première fois qu’on en détecte en dehors de la Terre.

Jusqu’alors, les différentes molécules organiques détectées dans le système solaire avaient une masse proche de 50 unités de masse atomique unifiée. Cette unité correspond à un douzième de la masse d’un atome de carbone 12. Une molécule de méthane par exemple possède une masse de 16 unités de masse atomique unifiée. Certains des fragments de molécules organiques détectées par Cassini dans les geysers d’Encelade affichent des masses supérieure à 200 unités de masse atomatique unifiée. Ce sont des molécules très complexes composées de centaines d’atomes de carbone, d’hydrogène, d’oxygène et d’azote. Ce sont des molécules très différentes de celles détectées sur la planète Mars ou sur des comètes.

Sous la croûte de glace d’Encelade, une chimie complexe permet à ces molécules de se former. Il est maintenant presque sûr qu’Encelade possède un océan d’eau salé enfoui profondément sous sa glace. Peut-être que le plancher océanique d’Encelade accueille une activité hydrothermale : des fumeurs noirs, des sortes de petits volcans sous-marins, pourraient fournir l’énergie et la chaleur nécessaire à ces réactions chimiques. Les molécules organiques seraient ensuite amenées jusqu’en haut de l’océan par des bulles avant d’être éjectées dans l’espace par les geysers. Cet écosystème à base de fumeurs noirs, d’océan souterrain et de geysers pourrait exister depuis plusieurs milliards d’années. Cela est insuffisant pour qu’une protéine puisse se former de manière spontanée. Les geysers d’Encelade offrent cependant une opportunité unique de savoir ce qui se passe dans les profondeurs de la petite lune de Saturne.

Il va falloir être patient : aucune mission spatiale vers le système saturnien n’est prévu, et même si une telle mission est validée il faudra entre cinq et dix ans de développement, puis cinq à dix ans de voyage avant de voir les premiers résultats. Il faut donc espérer que les analyses des résultats de Cassini révèle encore de nouvelles données intéressantes à exploiter.

Un organisme des fonds marins terrestres pourrait survivre dans l’océan d’Encelade

— Actualités du 13 mars 2018 —

Depuis quelques années, les endroits du système solaire où l’on espère pouvoir peut être un jour trouver des traces de vie se multiplient. Il y à Mars bien sûr, aussi certaines lunes glacées en orbite autour des géantes gazeuses, ou même d’autres corps célestes plus petits, comme Cérès. Ces environnements pourraient abriter au moins quelques-uns des ingrédients nécessaires à l’apparition de la vie telle qu’on la connaît sur Terre. En parallèle, on découvre sur Terre de plus en plus d’organismes capables de supporter des conditions extrêmes qui tueraient presque toutes autres formes de vie. On les appelle les organismes extrêmophiles. Ce sont souvent des êtres très simples constitués d’une seule cellule, mais cela reste de la vie. Quand on additionne des conditions de vie pas si infernales que cela, et des êtres vivants capables de résister à l’enfer, on se dit que l’équation de la vie a peut-être trouvé une solution favorable ailleurs dans le système solaire.

Avant de faire une telle découverte, on peut déjà se demander si des êtres vivants d’origine terrienne pourraient survivre sur un autre corps du système solaire. Une équipe de chercheurs autrichiens pense que oui. Leur étude publiée il ya deux semaines dans la revue Nature s’intéresse à une forme de vie en particulier, appelée archées méthanogènes. Les chercheurs se sont intéressés aux conditions présumées de la lune Encelade qui orbite autour de Saturne. On la soupçonne fortement d’abriter un océan d’eau liquide sous une épaisse croûte de glace. Pour l’immense majorité des espèces terriennes, l’océan d’Encelade n’a rien d’un paradis. Il n’y a pas de lumière, pas d’oxygène et une pression gigantesque. Mais pour les archées méthanogènes, cela ne pose pas de problème. On ne peut pas les classer dans les bactéries, même si elles leur ressemblent beaucoup. Elle possèdent un métabolisme méthanogène, c’est à dire qu’elle est capable de produire du méthane et de l’eau à partir de dihydrogène et de dioxyde de carbone. Cette réaction lui fournit l’énergie nécessaire à son métabolisme, sans avoir recours à la lumière ou à une quelconque forme d’oxygène. Sur Terre, on la retrouve dans les grands fonds marins, près des cheminées hydrothermales.

La sonde Cassini nous a permis d’observer la chimie des geysers d’Encelade. On y trouve du dioxyde de carbone, du dihydrogène et du méthane. Peut-être que le méthane est le produit de la conversion de l’hydrogène et du CO2. En apparence, rien ne semble s’y opposer. Pour s’en assurer, l’équipe de chercheurs autrichiens a recréé les conditions présumées de l’océan d’Encelade en laboratoire. Même sous une pression réputée pas très clémente avec la vie, archées méthanogènes a continué à fabriquer du méthane et à se reproduire. Pour elle au moins, Encelade semble habitable.

La fondation Breakthrough étudie une mission d’exploration d’Encelade

— Actualités du 21 novembre 2017 —

La NASA a développé un instrument pour analyser la chimie de l’océan d’Encelade, une lune de Saturne. Mais pour le moment aucune mission n’est prévue vers Saturne. Il n’y a pas que l’agence spatiale américaine que cela dérange. La fondation Breakthrough financée par le milliardaire russe Yuri Milner a déjà investi d’importants moyens pour la recherche d’intelligence extraterrestre avec l’initiative Breakthrough Listen, et pour le voyage interstellaire avec Breakthrough Starshot. La fondation de Yuri Milner est maintenant en train d’examiner la possibilité d’une mission privée à destination de la lune de Saturne. Encelade attire beaucoup l’attention grâce à ses geysers, découverts par la sonde Cassini. Les geysers témoignent d’une forte probabilité de l’existence d’un océan d’eau liquide sous sa croûte de glace, et donc potentiellement de l’existence de la vie.

Une mission scientifique interplanétaire privée serait une première. Les ingénieurs de la fondation ont imaginé un premier design de mission qui se chiffrerait à quelques centaines de millions de dollars. Ils entrent maintenant dans une phase où ils cherchent à réduire les coûts par tous les moyens possibles. Plusieurs pistes sont évoquées, dont celle de l’utilisation d’une voile solaire. Il semblerait que la fondation Breakthrough aime utiliser la propulsion photonique dans ses projets. Durant les six premiers mois de l’année 2018, le projet sera en phase d’étude pour essayer de créer un design de mission qui puisse faire avancer la connaissance d’Encelade et pour être assez économe pour permettre un financement privé.

Ce projet pourrait aussi être l’occasion d’une collaboration avec la NASA et avec l’ESA. Les deux agences spatiales ont déjà été concertées sur le concept. De son côté, la NASA est en pleine phase de sélection pour la quatrième mission du programme New Frontiers. Parmi la douzaine de missions candidates, au moins deux ont Encelade comme objectif principal. Le choix de la mission aura lieu en 2019, pour un lancement prévu en 2025. Même si la NASA sélectionne une mission d’étude d’Encelade, il va falloir attendre au moins une quinzaine d’années au mieux pour avoir les résultats. La mission proposée par la fondation Breakthrough pourrait accélérer les choses. Yuri Milner insiste ssur le fait qu’il souhaiterait un lancement assez rapide pour sa sonde spatiale. On peut espérer qu’un acteur privé pourrait avancer vite, débarrassé des contraintes bureaucratiques qui embourbent par exemple la NASA. Les liens entre la NASA et la fondation Breakthrough sont assez étroits, car le président de la fondation est Pete Worden, l’ancien directeur du centre de recherche de la NASA.

SELFI permettra d’étudier la composition des geysers d’Encelade

— Actualités du 14 novembre 2017 —

Parmi les découvertes majeures de la mission Cassini, de nombreux indices semblent indiquer l’existence d’un océan sous la surface d’Encelade, une lune de Saturne, ce qui en fait une cible privilégiée pour la découverte d’une vie extraterrestre dans le système solaire. Mais cet océan serait situé sous des kilomètres de glace. Par chance, Encelade émet régulièrement des geysers constitués principalement d’eau et qui pourraient nous permettre d’étudier cet océan à moindre coût.

Pour cela, une équipe de la NASA développe un instrument spécifiquement conçu pour analyser la matière présente dans les geysers d’Encelade. Il s’appelle SELFI (Submillimeter Enceladus Life Fundamentals Instrument). La mission principale de SELFI sera de comprendre la chimie de l’océan d’Encelade. Pour cela, l’instrument utilisera un spectromètre qui fonctionne dans le domaine des ondes radio. Cela devrait lui permettre de détecter la présence ou non de 13 composés chimiques particulièrement importants pour le développement de la vie telle qu’on la connaît. Il y a l’eau bien sûr, mais aussi le méthanol, l’ammoniac, l’ozone, le peroxyde d’hydrogène, le dioxyde de soufre et le chlorure de sodium qui fait que les océans de la Terre sont salés.

Si SELFI parvient à nous fournir toutes ces informations, alors on aura une image beaucoup plus précise de ce qui se passe sous la surface d’Encelade, et surtout si une vie telle qu’on la connaît a pu s’y développer. Mais SELFI n’a pas de mission à laquelle se joindre, car la NASA n’a pas encore annoncé de plans à propos d’une future exploration saturnienne. La descendante de Cassini se concentrera tout particulièrement sur Encelade, et il y a de grandes chances pour que SELFI fasse alors partie de la mission.

En attendant, l’instrument SELFI ou un concept similaire pourrait être intégré à la mission Europa Clipper qui sera lancée au début de la prochaine décennie. La lune Europe de Jupiter ressemble en effet fortement à Encelade. On soupçonne qu’elle abrite elle aussi un océan sous une épaisse couche de glace, et elle a aussi des geysers. Enfin, la NASA prévoit de mettre le télescope spatial James Webb à contribution pour étudier les lunes-océan du système solaire. Le télescope se servira de son spectromètre pour l’infrarouge proche, pour essayer de déterminer la composition des geysers d’Encelade et d’Europe. Mais il n’est cependant pas sûr que ces observations aboutissent. Il faut en effet que James Webb puisse réaliser ses observations au moment précis où les geysers se produisent, et surtout que ces geysers contiennent assez de molécules organiques pour être détectées depuis la Terre. Dans tous les cas, une mission sur place sera nécessaire pour avoir le détail de la chimie de ces mondes-océans.

Encelade possède des éléments nécessaires à la présence de la vie

— Actualités du 18 avril 2017 —

La mission Cassini a révélé que l’océan d’Encelade enfoui sous des kilomètres de glace est alimenté en hydrogène par l’activité hydrothermale du noyau. Concrètement cela veut dire que cette lune saturnienne possède une brique supplémentaire favorable à l’apparition de la vie. Ainsi, en plus d’un océan liquide on a maintenant la preuve que de potentielles formes de vie disposeraient d’une source d’énergie viable grâce à la méthanogénèse. Comme le signale Thomas Zurbuchen, administrateur associé de la NASA, nous n’avons jamais été aussi proches de découvrir un monde potentiellement habité.

Visuel by NASA/JPL/Space Science Institute [Public domain], via Wikimedia Commons

Sources

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