Rencontre avec Jeanne Morel, danseuse en 0G

Jeanne Morel danse en apesanteur à bord de l’Airbus A310 de la société Air Zero G… et bien plus encore ! Jeanne évoque avec nous son parcours et les nombreuses danses en apesanteur qu’elle a réalisé à ce jour, de la préparation au travail qui suit le vol 0G. Puis Jeanne répond à vos questions et nous a donne son Top 10 pour passionnés d’espace, avec plein de pépites à découvrir.

Jeanne, peux-tu te présenter et nous parler de tes projets ?

Je suis danseuse en 0G, je me suis spécialisée dans l’adaptation du corps en milieux extrêmes (je danse en haute-montagne, sous la mer et en micro-gravité). Au-delà d’exécuter une chorégraphie, j’ai toujours cherché l’essence de la danse : qu’est-ce qu’on exprime quand on danse, quel est le message impalpable que provoque la danse… Je viens de la montagne, j’ai toujours été très proche de la nature, des grands espaces puis mon associé Paul Marlier m’a initiée à la plongée, à cette liberté du corps. Par conséquent, je me suis spécialisée dans le fait d’évoluer dans ces lieux à gravité altérée ou à oxygène modifiée, et j’essaye de développer une danse sincère dans ces milieux. A ce jour j’ai effectué 6 vols en 0G depuis un peu moins de 3 ans.

Voici une vidéo où vous pouvez me voir danser en 0G à bord de l’Airbus A310 d’Air Zero G :

Je suis également actrice et je fais de la recherche en histoire de l’art, j’ai travaillé avec des neuro scientifiques, pour la maison Dior, pour la télévision et le cinéma. Au final, je me rends compte aujourd’hui que tout avait vocation à créer et à chercher ce que peut être l’art de demain. Comment on peut développer une nouvelle manière de créer, en particulier pour l’espace. A présent, j’interviens lors de talks avec les agences spatiales européennes pour essayer de trouver d’autres manières de développer la création, notamment en apesanteur.

Aujourd’hui, j’ai énormément de projets. Je suis danseuse 0G, je travaille également avec Air Zero G, le CNES, l’ESA et le DLR et j’ai fondé Art In Space avec mon associé Paul Marlier.

Au final, toutes mes expériences passées se sont imbriquées pour permettre ce que je fais aujourd’hui. J’aime bien rencontrer des ados et leur passer ce message car ce n’est pas évident d’être un ado aujourd’hui. Je me rends compte que j’ai fait beaucoup de choses différentes et à un moment on m’a beaucoup dit “ça ne te mènera nulle part”, “ce n’est pas possible d’avoir envie de faire autant de choses”. Alors qu’aujourd’hui je me dis que j’ai envie de comprendre l’astrophysique et un jour ou l’autre j’étudierai, la science. Tout ce que j’ai fait par le passé se lie aujourd’hui.

J’ai un ami (Alec Magnan) qui tourne un film en Polynésie Française. Il m’a demandé : “S’il y a 15 ans on t’avait dit ce que tu fais aujourd’hui, est-ce que tu l’aurais cru ?” J’ai répondu non. Il m’a alors demandé “Est-ce que tu trouves que finalement ce que tu fais aujourd’hui est logique ?” Je lui ai répondu oui.

En revanche, je ne peux pas le cacher, il faut énormément travailler.

Peux-tu nous parler d’Art in Space ?

Art In Space est une entreprise qui prend en charge des projets dans le domaine art-sciences-technologies, des expériences et des événements des abysses à l’espace. L’objectif est d’emmener la création en dehors des murs et des musées, et développer des projets plus proches de l’humain et de la nature, dans des milieux extrêmes. Art In Space est le pendant artistique de l’Espace. C’est une holding qui regroupe : un studio de création en milieux extrêmes, une compagnie de danse, un laboratoire de recherche en neuro-technologies et un pôle exploration, des Abysses à l’Espace, ouvert à tous.

On a tous nos capacités. Je n’ai pas les capacités d’un astronaute, mais j’ai de l’imagination. Je sais imaginer des projets et à présent je connais bien ce monde-là. Un jour, l’astronaute Jean-François Clervoy et le médecin en aérospatial Franck Lehot m’ont dit “On a besoin de ton cerveau d’artiste » et j’ai saisis cette chance. Cela signifie qu’on a besoin de créer ensemble. Si on veut un jour partir sur une autre planète ou dans un autre voyage spatial, comment créer, comment s’entendre entre nous ? Pour cela on a besoin de scientifiques, d’ingénieurs, de techniciens et de penseurs. C’est passionnant car les échanges entre nous sont complémentaires et extrêmement enrichissants… Ce sont des corps de métiers avec lesquels on n’aurait pas forcément imaginé travailler et on a créé un groupe d’humains qui réfléchissent sur ces questions spatiales.

Dans son pôle créatif, Art In Space réalise des projets artistiques en apesanteur. Mon associé Paul Marlier crée notamment à partir de mes données biométriques collectées en vol 0G. Depuis mon premier vol, Paul Marlier a collecté mes données biométriques : l’adaptation de mon cerveau, la motion capture de mon corps, le taux d’oxygène dans mon sang, les battements de mon coeur, l’altitude… Cela donne une empreinte de ce monde presque irréel, le monde de la microgravité.
Grâce à cela, on créé des oeuvres immersives sur Terre.

Comment est née ton attrait pour l’espace et comment en es-tu venue à danser en 0G ?

J’ai un parcours un peu hybride. Enfant, j’allais beaucoup à la montagne avec mon père et mon parrain alpinistes. Mon parrain était passionné par les étoiles. Ensemble on allait à la montagne et on avait une vue magnifique. On ressentait un peu l’”overview effect” que décrivent les astronautes, mais à la montagne : on regardait le monde en bas et les étoiles en haut. C’est un souvenir qui m’a vraiment marqué mais je ne me suis jamais dit qu’un jour je travaillerai avec des astronautes, que je volerai en 0G, je travaillerai avec des agences spatiales…

J’ai fait le conservatoire de danse à Lyon et à Barcelone, et je suis aussi diplômée d’une branche du conservatoire de danse de San Francisco. En plus de cela, j’ai fait des études en Histoire de l’art. J’ai toujours travaillé avec des scientifiques, avec des artistes numériques ou plastiques, et avec des chercheurs pour trouver ce qu’est la danse, au-delà de ce qu’on nous enseignait. Je voulais toujours me détacher des chorégraphies pré-écrites. La danse classique est magnifique et j’adore la danser, mais j’ai eu envie de comprendre les mécanismes neuronaux dans la danse, comprendre sa magie, dessiner son essence, au delà de la technique du corps.

Je cherchais un autre moyen de m’exprimer, de donner aux gens quelque chose autrement qu’à travers un ballet ou un spectacle que je faisais avec les troupes dans lesquels je dansais. Donc je me suis dirigée vers le théâtre, la science et le cinéma pour trouver d’autres moyens d’expression. Je continuais à chercher sur le thème de corps nouveau qui serait adapté à d’autres milieux. Puis j’ai rencontré mon associé, architecte, artiste génératif et passionné par les nouvelles technologies.

Ensemble nous avons créé des performances sur le monde des abysses, des oeuvres d’art immersives et interactives, un opéra qui s’appelle “Témoignage Futur”… Je voulais trouver une danse hybride et des personnages capables d’exprimer un renouveau de l’humanité. De fil en aiguille, j’ai travaillé pour des fondations d’art, avec des grandes entreprises, pour des workshops, j’ai participé à des talks, etc.

Un jour, le Centre National d’Etudes Spatiales (CNES, l’agence spatiale française) m’a contacté pour que je créé une performance lors du festival Sidérations, un festival d’art au CNES, avec mon associé Paul Marlier. On a fait cette performance en 2015 ou 2016, et à partir de là on nous a parlé d’un appel à projet pour envoyer un artiste en 0G. J’ai répondu à cet appel à projets et j’ai été sélectionnée.

Comment t’es-tu préparée pour ton premier vol en 0G ?

J’avais très peur au début car j’avais peur de l’avion ! Je me suis donc dit “Soit je suis lâche, soit j’affronte ma peur et je fais le plus beau voyage de ma vie”. Je me suis énormément préparée : j’ai fait beaucoup de plongée et d’apnée parce qu’avant de voler en 0G je devais passer des examens cardiovasculaires et d’autres examens médicaux. J’ai aussi fait beaucoup de méditation pour être prête mentalement à y aller, et à affronter ma peur de l’avion. Quand je suis partie pour mon premier vol 0G en octobre 2016, j’étais prête et ça a été le plus beau jour de ma vie.

Et comment ça s’est passé ?

Dans l’avion Air Zero G qui permet d’être en apesanteur, la gravité peut changer grâce à des manoeuvres spéciales. 0G, 2G, 0,16G, 0,38G… Les pilotes peuvent recréer l’absence de gravité de l’espace mais aussi la gravité lunaire et la gravité martienne. La façon de danser n’est pas du tout la même entre une gravité lunaire, où même si elle est faible la gravité existe, et l’apesanteur.

Par exemple, la première fois où j’ai dansé en 2G, c’était assez douloureux, ça m’a procuré des sensations étranges… comme si je pensais 100 kg ! Mais avec l’expérience, il se passe des choses intéressantes, comme si je me portais moi-même, je ressens mes muscles différemment. J’ai redécouvert une force dans mon corps, ce qui donne une danse assez profonde.

La gravité est permanente, elle régit ma vie et celle de nous tous, mais elle n’est pas universelle. Il y a plein de gravités différentes dans l’univers. C’est intéressant d’avoir pleinement conscience qu’elle est là et de voir comment on s’en défait, comment on va ailleurs, et comment on devient un autre humain quand elle n’est plus là.

La sensation du corps qui décolle m’a énormément surprise lors de mon premier vol en 0G. La première fois, j’ai regardé derrière moi pour voir si mon corps était encore là ! Est-ce qu’il était encore au sol ou est-ce qu’il était encore avec moi… Mon cerveau ne comprenait pas ce qui se passait, je ne savais plus où me situer. Mais au lieu de me dire “J’ai peur, je veux rester accrochée au sol” je me suis dit “Profite de cette liberté nouvelle et essaye de créer avec ça”. J’ai vécu cette expérience comme une renaissance, car à un moment il s’est passé un phénomène que je ne comprenais pas à l’époque, et que je comprends mieux aujourd’hui notamment grâce à la neuroscience.

Il est évident que l’entraînement que j’ai fait avant ce premier vol m’a permis de peaufiner la maîtrise de mon corps et d’acquérir de la technique. Une fois acquise la technique de danse, on sait faire fonctionner son corps et au moment de danser, on peut improviser. Les danses ne sont pas chorégraphiées. On connaît les gammes, comme des notes, mais la mélodie arrive dans l’environnement où se trouve le danseur au moment de la danse. Je ne danserai jamais de la même manière en 0G, sous l’eau, dans le Sahara ou sur une scène à Paris. Je ne danserai pas non plus de la même façon le premier jour des représentations et les jours suivants. Je crois que quand je danse, je me connecte avec l’univers dans lequel je suis. C’est comme cela que je vois la danse.

Que se passe-t-il après une danse en 0G ?

Il se passe d’abord un retour. Un retour à la Terre et la sensation d’avoir laissé s’envoler un poids, une barrière. Il s’agit d’un nouvel état de conscience. Puis vient l’heure de la création terrestre. Le CNES nous a demandé de faire une restitution de cette expérience. Il n’était pas concevable pour moi de « mimer l’instant ».

Ci-dessus et ci-dessous : tableaux créés à partir des données biométriques de Jeanne en 0G

Paul et moi nous sommes donc concentrés sur les données biométriques et cérébrales. C’est là où se trouve le portrait intime de ce moment-là, de ce nouvel état de corps et de cette danse.

A partir de toutes les données biométriques collectées, on créé des tableaux qui vont être envoyés à Miami cet été, on créé des installations immersives, des sculptures et une interface en temps réel adaptée à ces milieux-là. Mais pour ça je donnerai la parole à mon associé, dans une prochaine interview si cela vous intéresse.

Qu’est-ce que danser en 0G a changé dans ta vie ?

L’expérience de la danse en 0G a changé ma vie.
C’est une est une renaissance totale. On dit souvent “le poids des choses”, “ne te charge pas trop”, “c’est grave”… Faire l’expérience de la 0G m’a permis de me rendre compte du poids que l’on se met sur le dos, de me rendre compte aussi de la magie de voler du fait de ne plus être attirée par ce qui nous accroche au sol depuis toujours.

Les questions des Space Lovers à Jeanne Morel

Combien de temps ça a pris entre l’idée folle de danser en 0G et le premier vol ? As-tu espoir de danser un jour dans l’espace ? (Curious Astronaut sur Facebook)

Entre le moment où je me suis dit “Je vais y aller, je vais faire ce projet fou, je vais contacter les agences” et le moment où je suis entré dans l’avion, 5 mois se sont écoulés. C’est quelque chose que, sans le savoir réellement, je préparais depuis longtemps. Mais je ne m’étais jamais dit que j’irais dans l’avion 0G. Je cherchais à capter cette nouvelle forme d’art, cet essence de la danse, de l’Homme… Je faisais des recherches sur quel humain de demain on pourrait devenir.

5 mois c’est très peu, mais ça a été 5 mois très intensifs car j’ai dû me préparer physiquement et mentalement. J’ai fait énormément de sport, d’apnée, de plongée, de cardio et j’ai fait beaucoup de recherches scientifiques. J’ai lu des tests de médecine sur l’adaptation du corps à l’apesanteur, pour savoir ce qui allait se passer pour mes os, mes muscles… Cela a été 5 mois de recherche intensive. Pour cela, je suis partie au bord de la mer et de rester plusieurs mois là-bas pour préparer mon vol.

Si un jour j’avais la possibilité d’aller dans l’espace, je crois qu’il ne faudrait pas trop réfléchir à ce qui pourrait se passer. Je pense que si demain on me disait “Tu vas danser dans l’ISS” je pense que je me préparerais énormément. Les astronautes Thomas Pesquet et Jean-François Clervoy m’ont dit un jour “On est prêts quand on part”. C’est ce que j’ai ressenti quand je suis monté à bord de l’avion 0G, même si ce n’est pas vraiment comparable. Je pense que je mettrais tout en oeuvre pour préparer mon corps et mon esprit à ce fabuleux voyage. Si j’avais l’occasion d’aller dans l’espace, je dirais “Oui il faut que j’y aille” puis si on me disait “Tu pars” je resterais sans voix ! Un peu comme il y a 3 ans quand j’ai fait mon premier vol en 0G. Mais j’ai vraiment envie de vivre cela un jour, bien sûr ! Cela fait partie de ma quête de créer dans d’autres milieux et de découvrir un peu plus ces autres mondes.

Une chose est sure, je ferais beaucoup de méditation avant de partir !

As-tu déjà lu la trilogie Stardance de Spider et Jeanne Robinson (Stardance, Starseed et Starmind) à propos de la danse en 0G ? Si oui, qu’en as-tu pensé ? Jeanne était une danseuse expérimentée. Est-ce que c’est réaliste ? (DiDgr8 sur reddit)

Merci pour avoir mentionné ce livre ! Non, je ne l’avais pas lu et je n’en avais jamais entendu parler mais je l’ai acheté et en effet, nous pouvons parler d’anticipation. C’est l’histoire d’une danseuse qui part danser dans l’espace. Elle veut quitter la Terre et monte une compagnie d’avions 0G. Dans le 3e tome arrive un artiste visuel, exactement ce que fait mon associé Paul Marlier. Et l’héroïne s’appelle Jeanne, comme moi… Que de points communs, c’est très impressionnant. Et dire que cela a été écrit en 1977 ! Je ne l’ai pas encore lu mais le résumé me fait pensé à ma vie. Merci pour ce partage.

Connais-tu la chorégraphie par coeur ou est-ce que tu improvises ? (alittlelessconversation sur Instagram)

Les phases de 0G durent 22 secondes et sont répétées 31 fois.

22 secondes c’est assez long, surtout lorsque nous ressentons un état de corps encore jamais expérimenté. Nous n’avons plus vraiment la même notion du temps en apesanteur. Pour la chorégraphie, je me suis entrainée en apnée et sur la Terre.

Cependant, je ne cherche pas à reproduire de chorégraphie car je manquerais le moment, l’instant, l’essence de la danse dans ce nouvel environnement.

Lors de mes derniers vols j’étais plus à l’aise, donc je me sentais capable d’augmenter la difficulté. Je me donne parfois des phrases à faire mais je trouverais frustrant de tout anticiper. Je n’imagine pas la danse de cette manière. Dans l’Espace ou sur la Terre.

Je peux me dire qu’il faut par exemple que j’essaie de faire un grand écart en montant en apesanteur, mais cette figure arrivera au moment opportun. Sinon ce serait un peu comme fermer les yeux sur ce que je suis en train de vivre, et je ne le souhaite pas.

Quelles sont les différences entre danser en apesanteur et danser sous l’eau ? (Hard Tack sur Facebook)

Avant de partir, j’ai imaginé une similitude entre l’action de l’apesanteur et du milieu sous marin sur le corps humain. Mais non, en apesanteur c’est différent, on est en chute libre. Par conséquent, cela n’a rien à voir. C’est totalement nouveau, on vole sans aucune résistance ni contraintes. L’entraînement sous l’eau a servi au niveau cardiovasculaire car les phases de 2G sont assez difficiles à vivre pour le corps. Je crois surtout que cela a permis l’immersion dans un nouvel état de corps et la concentration nécessaire à une adaptabilité du corps à d’autres environnements.

Est-ce que tu as déjà essayé de voler en 0G avec de la musique (avec des écouteurs ou autre) ? (Zero-G_freak sur Twitter)

Je crois qu’il y a deux phases dans mon travail. Il y a tout d’abord la phase de recherche où je n’ai pas besoin de musique. Il y a déjà des sons dans l’avion (le son n’est pas le même entre la 2G et la 0G, assez doux), on peut s’en inspirer, et aussi le son intérieur que tu ressens quand tu danses. J’ai fait quelques paraboles en musique, avec des écouteurs. Je me souviens notamment d’Harvest de Neil Young.

Ensuite, avec Paul Marlier, on a créé une pattern à partir des mouvements du corps. On peut communiquer ces données avec les artistes qui travaillent avec nous. A partir de mes données biométriques générées en apesanteur, ils peuvent créer de la musique.

Quels types de préparations et entraînements as-tu fait sur Terre pour te préparer pour danser en apesanteur ? Des vols de 0G sont plutots courts, comment est-ce que tu réussis à danser avec une émotion si profonde dans une période de temps si courte ? (Ellie Coe sur Facebook)

Pour me préparer, j’ai repris la danse classique pour avoir une connexion forte à la gravité. J’ai fait du yoga, de la médiation, de la plongée sous-marine, de l’apnée, de la haute-montagne et de la course à pied.

Je trouve que l’émotion est la base de l’art. Je crois que je m’immerge vraiment dans ce moment-là, il a un vrai sens pour moi. C’est comme si je me détachais un peu de mon cerveau. C’est court mais les phases de 0G sont répétées plusieurs fois. J’essaye d’utiliser ce temps comme si c’était le seul temps qui m’était donné. L’instant qu’il me restait pour transmettre un message, pour offrir mon coeur.

Combien d’heures / jours / semaines / mois de préparation sont nécessaires avant chaque danse en 0G ? (Melkes Zoltan sur Twitter)

Parfois je n’ai pas beaucoup de temps entre le moment où l’on m’informe de mon prochain vol et le départ. Par conséquent, mon corps doit être prêts tout le temps. Mais c’est assez intéressant car depuis que j’ai dansé pour la première fois dans l’avion 0G, la 0G m’accompagne un peu tous les jours maintenant. J’en discutais avec l’astronaute Thomas Pesquet récemment, il est un des pilotes de l’avion 0G et il se prépare à sa prochaine mission à bord de l’ISS. Depuis qu’il a commencé ses études, il travaille au quotidien pour vivre son rêve et pour être prêt à tout moment.

Comment faites-vous pour supporter les paraboles sans être malade ? Les chorégraphies sont-elles préparées au sol ? (Laura Harel sur Instagram)

J’ai la chance de n’avoir jamais été malade.

Je prends la médication avant de voler, de la scopolamine. C’est un anti-vomitif, un médicament contre le mal des transports. Je conseille de prendre ce médicament avant un vol 0G, ce n’est pas très fort et ça ne reste pas très longtemps dans le sang. On peut avoir la tête en bas puis en haut sans avoir le mal des transports, c’est assez magique.

Quand ce projet sera terminé, comment sera-t-il lancé ? Sur YouTube ou Vimeo ? Sur ton site internet ? Ou autre part ? Peter Heintz sur Twitter)

J’ai plusieurs projets. Le projet sur l’adaptation du corps en microgravité regroupe des oeuvres picturales, des oeuvres immersives, un film et une performance. Une première sortie aura lieu récemment et je laisse à From Space With Love le soin de vous informer.

Mais ce projet n’a pas vocation à être terminé car tout est possible pour la suite. Je vais continuer faire des recherches sur la danse en microgravité. Vous pourrez suivre ces projets sur les réseaux sociaux (liens en bas de page).

Qu’as-tu eu envie d’exprimer lorsque tu as monté le projet ? Et qu’est ce que tu as ressenti ? Tu travaille sur la matière avec ta robe, est ce que tu souhaites travailler avec d’autre matières, objets ou travailler en duo ? (Emeline Pélaprat sur Facebook)

La première fois que j’ai volé en 0G, je me suis dit “Je pars en voyage pour découvrir ce que je ne connais pas, je ne peux pas le garder que pour moi, je veux restituer quelque chose au monde”. J’ai voulu donné mon corps entier à cette expérience, avec mon associé Paul Marlier qui était resté à la base et qui collectait toutes mes données biométriques en temps réel. J’ai voulu restituer quelque chose d’honnête pour emmener les autres en voyage. Je ne peux pas emmener tout le monde voler avec moi, mais je peux vous restituer quelque chose de cette expérience avec notamment des installations immersives.

L’immense robe rouge que tu vois dans les vidéos a été créée par le couturier Eric Plazza. La traîne de la robe mesure 4 mètres ! C’était fou de danser avec cette robe. Je travaille avec d’autres matières avec des couturiers. Et oui j’emmènerai avec grand plaisir d’autres personnes voler avec moi !

De belles choses sont peut-être en préparation, qui sait ?

Le Top 10 que recommande Jeanne Morel aux Space Lovers

Un lieu ?

L’Airbus A310 d’Air Zero G dont le nouveau design est signé Paul Marlier.

Une expérience ?

Danser. En milieux extrêmes. En haute montagne surtout.

Une personnalité ?

Jean-François Clervoy. C’est la première personne que j’ai rencontré en arrivant à Novespace il y a 3 ans. Je lui ai dit “J’ai peur, je suis terrorisée !” et il m’a énormément rassurée. Depuis le début, il a été très important pour moi. Aujourd’hui, il parraine notre travail. C’est un homme passionnant. J’invite tout le monde à le découvrir. Jean-François nous accompagne vraiment. Il est peut-être le plus artiste des astronautes européens ! Il a vu des choses que peu de gens ont vu, et a envie de les partager.

Un livre ?

Il y en a plusieurs… Mais quand j’ai lu Poussières d’étoiles d’Hubert Reeves, j’étais en mer et je me suis sentie connectée à la planète entière. Cela m’a presque rassurée. C’est étrange car parfois on peut penser qu’on est minuscule et ça peut faire peur, mais en lisant ce livre j’ai compris que nous étions un tout, ou chacun est utile, comme un passager d’un grand navire. On est nous-même une étoile, on est tous nés à partir de la même matière. Je trouve que c’est un beau livre.

Un film ?

“Story” de Dana Ranga. C’est un film sur Story Musgrave, un astronaute extraordinaire. Ce film et cet homme m’inspirent beaucoup.

Une série ?

Il y a forcément les séries anciennes comme Star Trek… Actuellement, Altered Carbon est pas mal. Je me souviens aussi d’une série qui passait dans les années 1990, “Roswell” ! C’est une des premières fois où je me suis intéressée aux extraterrestres.

Un site internet ?

Le site internet “ESA Earth Online” fait voyager.

Un projet prometteur ?

Le fait que SpaceX travaille main dans la main avec les agence est un tournant dans l’Histoire Spatiale, comme dans l’histoire terrestre d’ailleurs. Lorsque les dirigeants sont humanistes, la vitesse de calcul et de rendu est hautement interessante pour l’Homme. Cependant je ne peux m’empêcher de penser : jusqu’à quand ? Je crois que le projet le plus prometteur est celui que l’on a chacun entre nos mains, celui de faire de notre mieux, pour sauver la Terre.

Un pays à suivre ?

La Chine, l’Inde peut-être pour leur croissance énorme en matière d’Espace. Mais peut-être devons-nous d’abord nous intéresser à ce que fait le notre, pour encore une fois, mettre tout en jeu pour préserver l’écologie. La clef n’est pas dans la croissance absolue mais bien dans la préservation. C’est LE point fondamental.

Une anecdote ?

C’est une anecdote que m’a raconté Jean-François Clervoy.

Avant sa première mission, son instructeur Story Musgrave est allé le voir en quarantaine avant qu’il ne décolle sur la navette spatiale Atlantis. Story lui a dit : “Quand tu pars de la quarantaine jusqu’à la navette spatiale, ouvre les persiennes du car, ton voyage commence là. Ensuite, avant de monter dans la navette spatiale, vas aux toilettes car ce sont les mêmes toilettes qui ont été utilisées par Neil Armstrong avant d’aller faire les premiers pas sur la Lune. Et une fois que tu es dans la navette, éteins la lumière et regardes ton vaisseau spatial, la Terre.”

Aujourd’hui, les astronautes de l’ESA font beaucoup de photos et de vidéos de la Terre, mais pas à l’époque. Ils n’avaient même pas vraiment le temps de l’admirer. Jean-François Clervoy m’a dit que c’est grâce à Story qu’il a pu réellement prendre conscience de la beauté de la Terre depuis l’espace. Finalement il lui a simplement dit « sois conscient ». Et c’est peut-être la clef, être toujours conscient de ce que nous sommes, ce que nous faisons, de la chance que nous avons d’habiter ce « vaisseau Terre ».

Merci Jeanne !

Retrouvez Jeanne Morel sur

Entretien réalisé en Avril 2019
Images publiées avec l’autorisation de Jeanne Morel et Paul Marlier.

Sources

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