Jusqu’il y a peu de temps, on pensait que le trou noir central de la Voie Lactée, appelé Sagittarius A*, était un petit trou noir supermassif. Avec ses 4 millions de masses solaires, il ne fait pas partie des grands trous noirs supermassifs. Son activité semble faible, rien à voir avec les quasars surpuissants qu’on peut observer dans de lointaines galaxies. Il y a quelques mois, on s’est même rendu compte qu’il a quelques sursauts. Le 13 mai dernier, on a observé que la luminosité en infrarouge de Sagittarius A* a brièvement été multiplié par 75, ce qui est probablement le signe qu’une quantité importante de matières venait de chuter vers son horizon des événements. Mais ce sursaut lumineux est insignifiant face au cataclysme que pense avoir découvert une équipe de chercheurs australiens.
Il y à 3,5 millions d’années, c’est-à-dire très récemment à l’échelle du cosmos, le centre de la Voie Lactée aurait été le théâtre d’une gigantesque explosion qui aurait donné naissance à deux protubérances visible en rayons X et en rayons gamma qui s’étendent jusqu’à 25 000 années-lumière du centre de la Voie Lactée. Ces protubérances sont appelées les bulles de FERMI car elles ont été découvertes par le télescope spatial FERMI il y a une dizaine d’années. Elles sont probablement la preuve que la Voie Lactée a émis des jets très récemment.
Les chercheurs australiens pensent avoir découvert une preuve supplémentaire de cet événement dans le courant magellanique, une traînée de matières laissée dans le sillage des nuages de Magellan, deux galaxies naines qui orbitent la Voie Lactée. Certaines parties de ce courant semblent avoir été ionisées par une source très puissante. Seule une activité nucléaire en rapport avec le trou noir central de la Voie Lactée constitue une source plausible. Dans leurs modèles, un double cône ionisant ayant pour origine Sagittarius A* semble le mieux correspondre avec les observations. Autrement dit, un jet se serait produit il y a 3,5 millions d’années et aurait duré environ 300 000 ans.
Cet événement a certainement été très lumineux et les ancêtres de l’homo sapiens on peut-être vécu avec un double cône de lumière dans le ciel. Pour produire une explosion aussi incroyable, il a certainement fallu une accrétion de gaz très importante autour du trou noir. Certaines étoiles qui sont suspectées d’avoir effectué des passages rapprochés autour de Sagittarius A* dans la période concernée pourraient compléter ce scénario. Il y a cependant encore énormément de travail à accomplir pour comprendre la manière dont les trous noirs supermassifs influencent leur galaxie hôte.
Si le scénario des jets se confirme, la Voie lactée prendrait un tout autre visage. C’était une galaxie active il y a quelques millions d’années seulement. Elle a pu produire d’autres jets dont la lumière ne nous est pas encore parvenue. On peut en tout cas s’estimer heureux de vivre à quelques dizaines de milliers d’années-lumière du centre de la galaxie. Les étoiles et les planètes qui ont été prises dans le cône de radiation et dans l’onde de choc des bulles de FERMI ont dû être pulvérisées.
Une étoile atypique prouverait que la Voie Lactée à gobé ses voisines
— Actualités du 14 mai 2019 —
La Voie Lactée est entourée de dizaines de galaxies naines comme le petit et le grand nuage de Magellan. Certains indices indiquent que notre galaxie a gobé certaines de ses petites voisines au cours de son histoire. Les données de la mission d’astronomie Gaia ont par exemple montré un groupe de plusieurs dizaines de milliers d’étoiles qui ont un comportement étrange. Elles orbitent le centre de la galaxie dans le sens opposé des autres étoiles, probablement car elles sont issues de la rencontre fatale avec une autre galaxie il y a dix milliards d’années.
De la même manière, une équipe de chercheurs pensent que l’étoile J1124+4535 ne s’est pas formée dans la Voie Lactée, bien qu’elle y réside dorénavant. Cette fois-ci, c’est sa composition chimique qui l’a trahi. J1124+4535 a été découverte en 2015 dans la constellation de la Grande Ourse. Elle est située à environ 60 000 années-lumière de chez nous. Des observations menées grâce au télescope Subaru ont montré qu’elle a des niveaux de magnésium très bas et des niveaux d’europium élevés. C’est une signature chimique qu’on ne retrouve pas dans les étoiles proches d’elles, ni dans le reste des étoiles de la Voie Lactée.
La composition chimique de J1124+4535 est unique. Cela fait penser qu’elle s’est formée dans un environnement différent du reste des étoiles de la Voie Lactée. Cette signature chimique est en revanche assez typique des étoiles qui se forment dans les galaxies naines voisines de la Voie Lactée. On peut donc supposer que J1124+4535 a fait partie d’une des douze galaxies naines qui ont été gobé par la Voie Lactée. C’est l’indice chimique le plus évident qu’un tel événement a bien eu lieu. On commence maintenant à accumuler de plus en plus de preuves de ce festin cosmique. Peut-être que les différents catalogues de Gaia nous aideront à reconstituer toute l’histoire de la Voie Lactée au cours des prochaines années.
Il ne faut cependant pas penser que ces assimilations intergalactiques n’auront plus lieu. La Voie Lactée continue de gober ses voisins. Le grand nuage de Magellan qui comporte plusieurs dizaines de milliards d’étoiles pourrait aussi être mangé par la Voie Lactée dans 2,5 milliards d’années. La voie lactée va ainsi continuer de grossir jusqu’à rencontrer plus fort qu’elle. Elle rencontrera la galaxie d’Andromède dans 4 à 5 milliards d’années. On a longtemps pensé qu’Andromède était plus massive que la Voie Lactée, mais les deux galaxies semblent au final avoir une masse à peu près similaire. Leur rencontre finira par créer une super-galaxie. Si on a aujourd’hui des difficultés à retracer l’histoire de la Voie Lactée, essayez d’imaginer le travail qui attend une civilisation qui apparaîtrait dans cette nouvelle galaxie monstre.
La Voie Lactée a une forme ondulée
— Actualités du 10 février 2019 —
Quand on imagine la Voie Lactée, on pense à un disque assez plat. C’est la forme qu’on observe pour les galaxies environnantes. Il est toutefois difficile de déterminer précisément la forme d’un objet céleste quand on fait soi-même partie de cet objet. Une équipe sino-australienne a créé une carte de notre galaxie qui contredit un peu cette image d’un disque plat. La mesure des distances est au coeur du problème.
Pour essayer de modéliser la Voie Lactée, on peut essayer de mesurer précisément la distance au soleil d’un échantillon d’étoiles. Heureusement, on sait déjà plutôt bien le faire pour un type d’étoiles en particulier. Les céphéides sont des étoiles très jeunes à la luminosité variable. En établissant une relation entre leur périodicité et leur luminosité, on peut estimer leur distance avec une marge d’erreur de quelques pourcents. Mais cette méthode fonctionne uniquement pour des distances assez faibles à l’échelle du cosmos. Mais à l’échelle galactique, elle est tout à fait fiable.
En créant un catalogue de 1339 céphéides, l’équipe de chercheurs s’est rendu compte que les régions les plus externes de la Voie Lactée semblent avoir une forme ondulée. Plus on s’éloigne du centre galactique, plus des déformations sont visibles. Cette observation rend la Voie Lactée très intéressante. La majorité des galaxies spirales seraient en effet plates, mais une partie d’entre elles auraient des déformations similaires.
Une galaxie fantôme découverte à proximité de la Voie Lactée
— Actualités du 4 décembre 2018 —
Le 25 avril, le second catalogue de l’observatoire spatial Gaia de l’ESA a été publié. Gaia est installé autour du point de Lagrange L2 du système Terre-soleil. Gaia a répertorié la position, la parallaxe et le mouvement de plus de 1,3 milliard d’étoiles. Ses résultats continuent d’aboutir à de nombreuses découvertes.
Une équipe internationale de chercheurs pense avoir détecté une galaxie naine située en périphérie de la Voie Lactée, avec des caractéristiques étonnantes. L’objet est apellé Antlia 2. La Voie Lactée a plusieurs dizaines de galaxies satellites, des galaxies naines de quelques milliards de masses solaires. La plus importante d’entre elles est le grand nuage de Magellan qui est connu par l’humanité depuis déjà plusieurs siècles. Antlia 2 est presque aussi grande que lui et elle fait presque le tiers de la taille de la Voie Lactée.
Il a pourtant fallu attendre jusqu’en 2018 pour identifier cette galaxie naine. Antlia 2 est située juste derrière le disque galactique, elle est donc camouflée par les centaines de milliards d’étoiles de la Voie Lactée. Elle est aussi incroyablement peu lumineuse, on la surnomme même la galaxie fantôme. Bien qu’elle fasse presque la même taille que le grand nuage de Magellan, elle est en effet 10000 fois moins lumineuse que lui.
La grande taille et la très faible luminosité de la galaxie naine sont des caractéristiques assez difficiles à réconcilier. On cherche encore un scénario pour expliquer l’état actuel d’Antlia 2. La galaxie naine pourrait avoir perdu une partie de ses étoiles au profit de la Voie Lactée. Le problème est que les galaxies qui perdent des étoiles ont tendance à diminuer en taille, on peut aussi imaginer qu’elle a été le domicile de très nombreuses supernova dans sa jeunesse, qui auraient soufflé les gaz et les poussières en dehors de la galaxie. Mais même cette hypothèse ne parvient pas à expliquer les caractéristiques d’Antlia 2. On sait que la matière noire joue un rôle gravitationnelle proportionnellement plus important dans les galaxies naines, c’est peut-être de ce côté qu’il faut chercher.
Pour le moment, Antlia 2 est une exception parmi les galaxies satellites connues de la Voie Lactée. Elle est pourrait être en revanche la première d’une série d’objets similaires à être découverts. Dans ce cas, il faudra éventuellement revoir les modèles de formation des galaxies naines. Gaia est l’outil idéal pour faire ce type d’observations. Le catalogue final de l’observatoire spatial européen devrait être publié en 2022. Il alimentera la recherche sur les étoiles et les galaxies pendant encore de nombreuses années.
La mission Gaia révèle que la Voie Lactée a déjà percuté la galaxie du Sagittaire
— Actualités du 2 octobre 2018 —
Gaia est une mission d’astrométrie qui enregistre la position et d’autres paramètres de plus d’un milliard d’étoiles. A partir du catalogue de données produit par la mission, une équipe de chercheurs européens pense avoir reconstitué un petit bout de notre histoire galactique. On sait que la Voie Lactée a eu un passé tourmenté. Elle a avalé, fusionné et mesuré sa force gravitationnelle avec les autres galaxies qui l’entourent. Ces rencontres ont pour la plupart eu lieu il y a très longtemps, comme en témoigne la forme relativement plate et régulière du disque galactique. Mais lorsqu’on regarde le comportement des étoiles dans le détail, ce n’est pas aussi calme que cela peut paraitre.
Le comportement d’un groupe de quelques millions d’étoiles a intrigué l’équipe d’astronomes européens. Ces étoiles orbitent le centre galactique comme toutes les autres, mais elles suivent aussi des motifs plus tourmentés en tournoyant les unes autour des autres. En observant ces motifs, l’équipe a conclu qu’il s’agissait des conséquences d’une grande perturbation gravitationnelle qui se serait produite entre 900 et 300 millions d’années auparavant. Seule une autre galaxie aurait pu avoir un tel impact sur un si grand nombre d’étoiles. On pense que ce pourrait être à cause de la galaxie naine du Sagittaire, qui est une des nombreuses galaxies satellites de la Voie Lactée.
Elle suit une orbite polaire autour de notre galaxie, à environ 50 mille années-lumière de distance. Elle contient quelques dizaines de milliards d’étoiles. Des travaux de recherches antérieures avaient déjà fait l’hypothèse que cette galaxie s’est déjà retrouvée à proximité de la Voie Lactée il y à quelques centaines de millions d’années. Des millions d’étoiles des deux côtés se seraient alors retrouvées au milieu d’un gigantesque jeu de tir à la corde gravitationnelle. Les motifs étranges trouvées dans les données de Gaia seraient donc le témoignage de ce passé lointain.
Le duel entre la Voie Lactée et la galaxie naine du Sagittaire n’est pas fini, et la Voie Lactée est en train de gagner. Une simulation publiée cet été estime même que la petite galaxie satellite n’a plus que 100 millions d’années à vivre avant d’être anéantie par la Voie Lactée. Elle rejoindra ainsi la douzaine de galaxies déjà avalées par la Voie Lactée.
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