Observation de la Terre par satellite : tout savoir et actualités

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Les satellites d’observation de la Terre aident à suivre l’évolution des incendies géants en Amazonie

— Actualités du 24 août 2019 —

La forêt tropicale amazonienne est actuellement en proie à des incendies gigantesques, ce qui génère des tensions inédites sur le climat et sur les relations internationales. L’astronaute français Jean-François Clervoy qui a été 3 fois dans l’espace à bord des navettes spatiales américaines, a envoyé ces quelques mots à From Space With Love :

“Depuis l’espace, le regard des astronautes porte sur un très grand champ de vue ce qui permet d’apprécier l’ampleur des phénomènes naturels et anthropiques à l’échelle de la planète. Le cas des feux de forêts est probablement le plus frappant parce que ces feux sont perceptibles à plus de 2000 km de distance et parce qu’ils nous émeuvent par leur effet destructeur des forces vitales de notre écosystème, perceptibles directement à l’œil nu.

Les forêts sont vitales non seulement par la très riche biodiversité qu’elles abritent, mais aussi parce qu’après l’Océan mondial, elles sont la deuxième source d’oxygène que nous respirons et d’absorption du gaz carbonique, un gaz à effet de serre jouant un rôle majeur dans le réchauffement climatique.”

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Fumées et feux de la forêt tropicale amazonienne vus de l’espace le 20 août 2019

Focus sur les satellites d’observation de la Terre

Parmi la multitude de satellites qui sont lancés chaque année, il y en a toujours au moins quelques-uns qui sont utilisés pour observer la Terre à des fins commerciales ou militaires, mais aussi à des fins scientifiques. En 2018, on comptait ainsi 82 satellites météorologiques et 62 satellite dédiés aux sciences de la Terre, que ce soit l’étude des océans, des calottes polaires, de l’atmosphère ou encore de la biomasse.

Le jour et la nuit sur la Terre vu depuis des satellites météorologiques

Depuis les années 1950, les satellites permettent de prédire la météo

Prendre de la hauteur nous aide à mieux comprendre l’incroyable complexité de notre planète. Avant même l’ère spatiale, la curiosité des hommes les a poussés à accrocher des appareils photos à des ballons, voire à des pigeons, pour savoir à quoi les choses ressemblaient vue de là-haut. On doit la première photo prise depuis l’espace à une fusée V2 américaine lancée depuis le Nouveau-Mexique. Une perspective nouvelle qui a bien sûr intéressée les militaires mais aussi les climatologues. Voilà enfin un outil qui leur promettait une vue d’ensemble sur de nombreux phénomènes terrestres.

Le potentiel des satellites pour l’étude de la Terre a ainsi été très rapidement exploité dès 1957. Les signaux radio envoyés par Spoutnik ont été utilisés pour sonder la ionosphère de notre planète. Un an plus tard, Explorer, le premier satellite américain décollait avec à son bord un compteur Geiger. Les relevés de ce dernier permirent de se rendre compte que la Terre était entourée d’une ceinture de radiation intense, la ceinture de Van Allen.

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Satellite Vanguard de la NASA

En 1959, c’est Vanguard 2E qui était placé sur orbite avec une des instruments de mesure. Sa mission était de mesurer la couverture nuageuse sur la partie éclairée du globe pendant deux semaines. Ces données ont alors permis d’améliorer les modèles de prévision météorologiques. L’année suivante, la NASA formait un partenariat avec d’autres agences gouvernementales américaines pour pousser cette idée un peu plus loin.

Les satellites de la série TIROS qui ont commencé à opérer en 1960 étaient chacun doté de deux caméras capables de prendre des clichés en noir et blanc. A partir de 1962, les agences météorologiques du monde entier ont commencé à utiliser ces photos pour améliorer leurs prévisions. Il devenait ainsi possible de distinguer les masses nuageuses dans leur ensemble, ce qui permit d’aider à comprendre leur fonctionnement. Si ces premiers satellites météorologiques ont été pensés pour un usage pratique, ils ont au cours des années et des décennies contribué à mettre en évidence des phénomènes inquiétants.

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Stratus vus de l’espace

Des satellites de plus en plus complexes pour multiplier les observations

A partir de 1964, les Etats-Unis commençaient à lancer leur deuxième génération de satellites météorologiques, une série appelée Nimbus. Ils étaient équipés d’une suite instrumentale beaucoup plus complète. Ce n’était pas seulement les nuages qui étaient surveillés, mais aussi les calottes polaires ou encore les niveaux des différents gaz dans l’atmosphère.

A la fin des années 1970, Nimbus a commencé à rapporter des observations alarmantes. L’ozone moléculaire a tendance à s’accumuler dans une couche atmosphérique autour de 25 km d’altitude, un phénomène invisible mais pourtant crucial pour la vie sur Terre. L’ozone bloque en effet une grande partie des dangereux rayons UVB et UVC du soleil. Les données de Nimbus démontrèrent qu’un trou de plus en plus grands était en train de se former dans la couche d’ozone, juste au-dessus du continent antarctique. Ces observations menèrent à une interdiction de certains gaz fluorés au cours des années 1990.

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Satellite Nimbus de la NASA (vue d’artiste)

L’étude du climat depuis l’espace est au coeur des missions des satellites d’observation de la Terre

Durant la deuxième moitié du 20ème siècle, il est devenu évident que les activités humaines avaient un impact de plus en plus important sur la nature. Réchauffement climatique, désertification, élévation du niveau de la mer ou encore pollution de l’air, des phénomènes mondiaux pas toujours faciles à quantifier depuis le sol.

C’est ce qui a poussé la NASA à lancer le programme EOS en 1997. L’idée n’était plus d’étudier la météorologie, mais le climat dans son ensemble et ses évolutions à très long terme. L’agence spatiale européenne mène elle aussi un programme similaire. On ne s’en rend pas toujours compte mais la NASA et l’ESA sont très actifs dans ce domaine. Ces trente dernières années, les deux agences spatiales ont mises en orbite plusieurs dizaines de satellites dédiés à cette tâche.

Les satellites d’observation de la Terre sont témoins du changement climatique

Ces satellites sont une source d’information irremplaçable pour étudier le changement climatique. La plupart d’entre eux sont spécialisés dans l’étude de problématiques particulières. Avec l’interdiction des chlorofluorocarbures pour protéger la couche d’ozone, celle-ci reste par exemple surveillée de très près. Depuis 1991, la NASA a lancé pas moins de six observatoires pour remplir cette mission, avec parfois des bonnes nouvelles.

En 2018, le satellite Aura a ainsi rapporté quelques signes d’amélioration. La quantité de chlore atmosphérique présente au niveau de la région Antarctique semble baisser, ce qui entraîne les trous saisonniers dans la couche d’ozone 20% moins importants comparé à l’année 2005. Cette petite touche d’optimisme est malheureusement bien isolée comparée aux autres données que nous rapportent les satellites de surveillance de la Terre.

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Image du trou de la couche d’ozone en 2016, par le satellite Aura de la NASA

En 2010, l’ESA a lancé CryoSat-2, une mission entièrement dédiée à l’étude des calottes polaires. Au cours de ses trois premières années en orbite, le satellite a assisté à la fonte de prêt de 500 milliards de tonnes de glace, uniquement pour le continent Antarctique. L’agence spatiale européenne a surveillé le continent blanc pendant plus de 25 ans grâce aux satellites ERS-1, ERS-2, ENVISAT et CryoSat. Cette surveillance à long terme a permis de se rendre compte que la couche de glace constituant l’Antarctique de l’ouest est en train de s’affiner à grande vitesse, ce qui contribue fortement à l’élévation du niveau des océans.

Du côté du pôle nord, la NASA dispose de données remontant à 1979 et les nouvelles ne sont pas meilleures. L’agence spatiale américaine a notamment surveillé en continu la surface minimale occupée chaque été par les glaces. 6,5 millions de kilomètres carrés à la fin des années 1970 et 4,15 millions de kilomètres carrés à l’été 2018.

Visualisation de la fonte des glaces en Arctique à partir de données collectées depuis l’espace

Les satellites d’observation de la Terre démocratisent l’accès aux cartes satellites

De la même façon, l’agence spatiale américaine surveille les continents depuis 1972 grâce à sa série de satellites Landsat. C’est par exemple Landsat 7 qui est responsable de la plupart des images que vous retrouvez dans Google Maps. A l’origine, ces satellites étaient pensés pour satisfaire les cartographes et le département de l’agriculture.

Ils ont par exemple permis de découvrir une île inconnue au large du Canada qui porte dorénavant le nom d’île Landsat. Mais ces satellites ont aussi contribué à quantifier des changements beaucoup moins triviaux, comme la déforestation en Amérique du sud ou l’artificialisation des sols partout autour de la planète.

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L’ile Landsat découverte au large du Canada par le satellite Landsat

Les données collectées sur l’atmosphère témoignent de la complexité de la Terre

La surveillance de l’atmosphère n’apporte pas des nouvelles beaucoup plus réjouissantes. Le dioxyde d’azote est un composé poison et polluant. Il contribue à l’acidification des pluies et de l’eau douce. Les observations du satellite Aura réalisées entre 2005 et 2014 montrent sans aucun doute possible que les émissions de dioxyde d’azote sont très liées à la présence de populations humaines fortement industrialisées.

Moins dangereux d’un point de vue chimique, le dioxyde de carbone contribue cependant largement à l’effet de serre. Le satellite OCO-2 en opération depuis 2014 est entièrement dédié à l’étude de la distribution et de la concentration du CO2 dans l’atmosphère. En 2017, l’observatoire a enregistré les taux les plus hauts depuis au moins deux mille ans.

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Satellite OCO-2 de la NASA (vue d’artiste)

On pense que ces records sont en partie dus au phénomène climatique El Niño de la saison 2015-2016 qui a engendré une sécheresse dans certaines parties de l’Amérique du Sud, de l’Afrique et de l’Indonésie, ce qui a ralenti la croissance des végétaux et donc la capture du carbone. Cela a généré 2,5 gigatonnes de CO2 en plus dans l’atmosphère. C’est un exemple typique de l’incroyable complexité de notre planète.

Les satellites de nouvelle génération aident à mieux comprendre les phénomènes terrestres

Si on souhaite avoir une chance de préserver la Terre, il faut déjà la comprendre. De ce côté, les futures missions d’observation de la Terre menées par l’ESA et par la NASA promettent de belles avancées. Le programme européen d’observation de la Terre appelé Copernicus est actuellement en train de déployer la série de missions Sentinel. Ces satellites de nouvelle génération vont permettre d’améliorer le suivi de l’utilisation des terres, de surveiller la qualité de l’air et la montée du niveau des océans.

La mission EarthCARE qui décollera en 2021 va reprendre les travaux du tout premier satellite d’observation de la Terre, surveiller les nuages. Cette fois-ci, il ne s’agit pas d’évaluer la couverture nuageuse pour des prévisions météorologiques. EarthCARE doit nous aider à comprendre la manière dont les nuages participent au réchauffement et au refroidissement de la planète. Ils réfléchissent en effet une partie de la lumière du soleil, ce qui tend à refroidir la Terre. Mais ils piègent aussi une partie de son rayonnement infrarouge, ce qui la réchauffe. Les nuages jouent un rôle capital dans le climat de la planète et on commence tout juste à le comprendre. Pour ces raisons, EarthCARE est perçue comme une mission de haute priorité.

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Mission EarthCARE de l’ESA (vue d’artiste)

De son côté, la NASA prépare entre autres le satellite PACE qui va inspecter les échanges de CO2 entre l’atmosphère et les océans. Cela devrait par exemple aider à comprendre le phénomène d’efflorescence algale, des épisodes de croissance très rapide de certaines espèces d’algues parfois liées à la pollution. L’agence spatiale américaine va par ailleurs continuer sa surveillance rapprochée de la couche d’ozone à travers la suite instrumentale OMPS installée sur sa nouvelle série de satellites JPSS.

Les données collectées par les satellites d’observation de la Terre justifient les sommes dépensées

Même si nos connaissances progressent chaque année, la façon dont le climat terrestre fonctionne nous pose encore de nombreuses interrogations. C’est pourquoi vous entendez souvent des versions très différentes sur le futur climatique de la planète. Certains modèles prévoient un réchauffement global de 2 degrés Celsius d’ici 2100, tandis que d’autres modèles prévoient un réchauffement global de 4 degrés Celsius. Il est pourtant crucial d’affiner ces modèles car c’est notre avenir à tous qui en dépend.

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Changement des températures moyennes

Certaines personnes accusent les agences spatiales de gaspiller de l’argent qui pourrait servir sur Terre. C’est pourtant ignorer à quel point les agences spatiales sont en première ligne dans la lutte contre le changement climatique et la pollution liée aux activités humaines. A défaut de pouvoir renverser la tendance, elles participent largement à comprendre ces processus. Depuis l’espace, on ne peut qu’espérer que leurs rapports aideront un jour à faire bouger les choses.

Images by NASA/JPL-Caltech/ESA/NASA’s Scientific Visualization Studio, Key and Title by Eric Fisk [Public domain]/CIRA/NASA’s Goddard Space Flight Center/Jefferson Beck







Sources

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