Tout savoir sur Bourane Energia

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Le programme de navettes spatiales était une grave menace pour l’URSS

Le programme de navettes spatiales américaines, arrêté en 2011, est entré dans la culture populaire. De nos jours, le concept de navette spatiale est en partie repris par des véhicules spatiaux comme le X-37B de Boeing ou le Space Rider de l’ESA, mais sans équipage. Par le passé, un programme de navettes spatiales en particulier étonne par son envergure et l’avancée de son développement. C’est le programme de navette spatiale soviétique Bourane.

us space shuttle

En 1972, le président américain Richard Nixon lance le développement de la navette spatiale. L’URSS a tout de suite perçu la navette spatiale américaine comme une arme militaire qui permettrait aux Etats-Unis de déployer des prototypes d’armes spatiales en orbite, puis de les ramener sur Terre pour continuer leur développement. A l’époque, on pense surtout à des lasers orbitaux qui offriraient une protection efficace au Etats-Unis et à ses alliés contre les missiles intercontinentaux soviétiques. Privée de sa capacité de riposte, l’URSS s’exposerait à une frappe dévastatrice. C’était une situation inacceptable au milieu de la guerre froide.

Les navettes spatiales Bourane devait déployer des lasers dans l’espace

Comme pour tant d’autres programmes d’armement, la seule réponse envisagée par l’URSS est de se doter des mêmes capacités que son adversaire. Le 7 novembre 1976, Dmitri Oustinov, le ministre de la défense soviétique, lance donc le programme de navettes spatiales Bourane, un véhicule spatial à vocation clairement militaire. Bourane doit pouvoir déployer des plateformes équipées de missiles ou d’armes laser en orbite. Cela doit permettre à l’URSS de mettre en place son propre bouclier contre les missiles occidentaux. Ces armes sont également pensées pour pouvoir frapper des cibles au sol, et même d’autres satellites.

buran space station laser

Au début des années 1980, la course au laser spatial s’accélère. Ronald Reagan lance le programme Guerre des Etoiles qui concrétise la volonté de disposer d’un bouclier orbital. La réponse soviétique amène le développement de deux modules orbitaux. Le module Skif doit embarquer une arme laser de forte puissance, et Kaskad est une plateforme de missiles. Pour être complètement efficace, le bouclier soviétique doit faire appel à une vingtaine de stations spatiales capables de repérer et de détruire les missiles américains. Bourane est chargé de les mettre en orbite et de les réapprovisionner en ergol et en équipage.

L’écosystème du programme Bourane : une navette spatiale, une fusée et un avion porteur

A cause de son importance stratégique, Bourane mobilise très rapidement un budget conséquent et de très nombreux ingénieurs. Le KGB est également mis à contribution pour mettre la main sur le design et les technologies développées par les américains. L’URSS s’appuie très largement sur ces informations. Ainsi, les premiers prototypes de Bourane ressemble très fortement à la navette spatiale américaine. Bourane est développé avec d’autres véhicules au sein d’un écosystème. Le programme donne par exemple naissance à l’Antonov An-225 qui est toujours aujourd’hui l’avion le plus long et le plus lourd du monde. C’est cet avion qui doit transporter la navette spatiale entre ses sites de production et de lancement.

buran antonov

La fusée Energia est la principale différence entre la navette spatiale américaine et la navette spatiale soviétique. Les américains propulsent leur vaisseau spatial grâce à des moteurs intégrés à la navette spatiale et grâce un réservoir externe. Bourane ne possède pas de moteurs de forte poussée. Elle est attachée à une fusée, pas à un réservoir. Au milieu des années 1980, alors que la navette spatiale américaine vole déjà depuis quatre ans, Bourane commence ses essais atmosphériques. Un prototype est spécialement conçu pour ces tests. Il fera 25 vols entre 1985 et 1988, chargés de tester le comportement de la navette spatiale en atmosphère. Il est doté de quatre moteurs à réaction. Cela permet aux prototypes de décoller et d’atterrir sans aucune aide, comme un avion.

Le premier vol de la navette spatiale Bourane a impressionné le monde entier

Pendant ce temps, la première navette spatiale destinée à atteindre l’orbite terrestre est construite. A la fin des années 1980, l’union soviétique est enfin prête pour le premier vol orbital de la navette spatiale. Le premier lancement a lieu en novembre 1988, et cela reste le seul vol spatial de tout le programme Bourane. Propulsé par la monstrueuse fusée Energia, Bourane fait deux fois le tour de la Terre avant de revenir se poser de manière complètement automatique. Le vol n’a pas embarqué d’équipage, ce qui montre une certaine supériorité technique sur la navette spatiale américaine, qui ne peut pas fonctionner sans une présence humaine. Le programme Bourane ne s’arrête pas officiellement après ce vol, mais les difficultés économiques de l’URSS puis son éclatement vont freiner puis stopper le programme.

buran launch 1988

Malgré son unique vol spatial, Bourane est un programme fascinant. Beaucoup d’ingénieurs pensent aujourd’hui que l’architecture de mission soviétique faisant appel à une fusée traditionnelle était supérieure au design de mission américain. Les ingénieurs soviétiques se sont beaucoup inspirés des travaux de la NASA pour la forme générale de la navette spatiale, mais presque tout le reste du système a une philosophie différente.

La fusée Energia était un monstre de puissance

La fusée Energia a eu une carrière opérationnelle deux fois plus importante que la navette spatiale Bourane, puisqu’elle a volé deux fois. Sa première mission en 1987 consistait à mettre en orbite le premier composant d’une station militaire Skif. D’une masse de 80 tonnes, ce module devait tester les systèmes annexes nécessaires à l’utilisation d’un laser de forte puissance depuis l’espace, tout en se faisant passer pour un satellite scientifique. Avec ses 37 mètres de long, c’est le satellite le plus massif de l’Histoire à avoir été lancé en un seul lancement. Ce module a fini sa vie dans l’océan mais il reste le témoignage de l’avancement du programme spatial militaire soviétique à la fin de la guerre froide.

energia rocket

La fusée Energia est la seconde fusée la plus puissante de l’Histoire, après la Saturn 5 du programme Apollo. Son rôle pour la mise en orbite de la navette spatiale Bourane a influencé sa conception. Au décollage, les quatre boosters latéraux et l’étage central sont mis à feu. Comme souvent chez les soviétiques, la propulsion à poudre est entièrement délaissée et tout fonctionne avec des ergols liquides. Les quatre boosters latéraux fournissent la majorité de la poussée jusqu’à ce qu’il se sépare de l’étage central, qui a le rôle du second étage d’autres lanceurs. Il brûle pendant très longtemps. C’est lui qui emmène la navette spatiale Bourane jusqu’à l’orbite terrestre. Energia est une fusée courte mais très épaisse.

La fusée Energia était avant-gardiste

L’étage central a un diamètre de presque 8 mètres. La navette ou la charge utile est placée sur le côté de l’étage central. Par conséquent, tous les boosters et les moteurs sont un peu désaxés. Cette configuration peu banale permet à Energia de placer 105 tonnes en orbite basse. De plus, la fusée était prévue pour être modulable. L’étage central aurait pu fonctionner avec seulement deux boosters. Et les boosters étaient pensés pour être utilisés comme des lanceurs indépendants. Au début des années 1980, les soviétiques avaient même commencé une série d’études pour une monstrueuse version d’Energia à 8 boosters, qui aurait été capable de placer 172 tonne en orbite basse. C’est une capacité supérieure à la Super Heavy de SpaceX.

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Très en avance sur leur temps, les boosters avaient été imaginé pour contenir des parachutes, des rétrofusées et des pieds leur permettant de revenir se poser à l’horizontale. Bien qu’on en ait jamais eu la démonstration, ils étaient prévus pour être réutilisés 10 à 12 fois. Cela aurait amorti le coût engendré par la perte des moteurs principaux à chaque lancement. Alors que la navette spatiale américaine pouvait réutiliser ses très coûteux RS25 RS-25 à chaque vol, Bourane consommait un étage centrale d’énergie à chaque lancement, moteurs inclus.

Automatisation, sécurité et motorisation distinguent fortement Bourane de la navette américaine

La navette spatiale Bourane s’inspire très fortement du design américain, par exemple les dimensions, les formes, la soute à deux battants, la répartition des tuiles thermiques, etc. Les ingénieurs soviétiques se sont vite rendus compte en soufflerie que le design américain était optimal. Mais il y a tout de même de très nombreuses différences entre les deux véhicules spatiaux, à commencer par le cockpit. Tandis que la navette spatiale américaine était une véritable tombe volante pour ses passagers, Bourane aurait probablement été un véhicule plus sûr. L’équipage avait en effet deux sièges éjectables capable de fonctionner jusqu’à une vitesse de Mach 3. Mais on ne sait pas si cela aurait était suffisant pour sauver les passagers d’un accident comme celui de la navette spatiale Challenger. Bourane était de toute façon beaucoup moins exposée à ce type d’accidents grâce à l’utilisation de boosters à ergols liquides.

Bourane était beaucoup plus automatisée que la navette spatiale américaine. Elle était capable de décoller, se mettre en orbite, se désorbiter et revenir se poser seule. A l’intérieur du cockpit, cela se traduit par un tableau de bord plus simple et plus rudimentaire, avec des cadrans à aiguille. L’automatisation était aussi présente dans la soute. Bourane aurait dû accueillir un ou deux bras robotisés, comme le Canadarm de la navette spatiale américaine. Ces brats robotisés aurait pu être programmés à l’avance pour effectuer des manipulations précises.

buran cockpit

Ce qui différencie le plus les deux navettes est leur motorisation. Comme Bourane n’avait pas besoin de se mettre elle-même en orbite grâce à la fusée Energia, elle n’avait besoin que de ses moteurs de manoeuvre orbitale et de nombreux micro-propulseurs. Les ingénieurs soviétiques avaient prévu l’ajout d’un petit turbo-réacteur pour donner un peu de puissance à la navette spatiale après sa rentrée atmosphérique. Mais il n’a jamais volé. Comme la navette américaine, Bourane devait être alimenté en énergie par une pile à combustible. Mais pour son premier vol, ce sont de simples batterie qui ont été utilisées. Bouran avait de nombreux systèmes de sécurité basés sur son automatisation avancée. Les ingénieurs du programme pensaient qu’un ordinateur pourrait réagir plus vite qu’un humain en cas de problème. Près de 500 scénarios étaient enregistrés dans l’ordinateur de bord pour réagir à toutes les éventualités.

On ne pourra jamais comparer les performances réelles de Bourane à celles de la navette spatiale américaine. C’est impossible de tirer des conclusions sur la base d’un seul vol.

Pictures credits : pictures.4ever.eu (computer generated image), NASA, Buran.ru, Roscosmos

Sources

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