62 ans après le lancement de Spoutnik, l’orbite terrestre est encombrée. Satellites défectueux, troisième étage de fusée et débris spatiaux de toutes sortes s’entassent à toutes les altitudes, ce qui représente un risque de collision qui augmente chaque année. Il y a déjà eu un accident spectaculaire entre satellites en 2009. Iridium-33 et Kosmos-2251 se sont ainsi mutuellement annihilés dans un choc à 42 000 km/h. L’accident a créé de nouveaux nuages de débris spatiaux qui augmentent à leur tour les risques de collision. Bien entendu, le déploiement de méga-constellations de satellites ne va pas arranger les choses.
Avant que l’orbite basse ne devienne un “No Man’s Land”, il est donc urgent de trouver des solutions. C’est pour cela qu’a été lancé le satellite MEV le 9 octobre. C’est un remorqueur spatial conçu par une filiale de Northrop-Grumman. MEV s’arrimera au satellite Intelsat 901 qui arrive en fin de vie. Il rehaussera son orbite, permettant ainsi de prolonger la vie d’Intelsat 901 de 5 ans. Le remorqueur spatial a des réserves conséquentes de carburant. Il pourra alors réhausser l’orbite d’autres satellites. MEV devrait pouvoir fonctionner pendant une quinzaine d’années, et d’après ses concepteurs il est capable de proposer ses services à 80% des satellites en orbite géostationnaire.
Cette approche ne permet pas directement de réduire le nombre de débris spatiaux en orbite terrestre, mais elle a l’avantage de limiter leur augmentation. Plutôt que de lancer de nouveaux satellites, on cherche à prolonger la mission des satellites qui sont déjà en orbite. Cette méthode est particulièrement intéressante pour l’orbite géostationnaire, qui est trop haute pour qu’une désorbitation atmosphérique soit possible. Il semble plus raisonnable d’envoyer dans l’espace des remorqueurs spatiaux pour prolonger la vie des satellites existants puis éventuellement les amener dans des orbites parking.
Pour les orbites basses, on peut cependant envisager une solution différente. Désorbiter des débris spatiaux est compliqué et coûte cher, c’est probablement pour cela que jusqu’à présent la plupart des acteurs du spatial ne se sont pas occupé de ce problème. Plusieurs entreprises privées souhaitent cependant changer les choses. En 2020, Astroscale lancera la mission ELSA-d, une démonstration composé d’un satellite desorbiteur et d’un satellite cible. La start-up a déjà levé 140 millions de dollars. Si cette première mission est un succès, Astroscale proposera rapidement un service commercial.
En Europe, ClearSpace, une entreprise suisse, a la même ambition. Elle a été choisie par l’ESA pour travailler sur la désorientation des débris spatiaux de l’agence spatiale européenne. ClearSpace pourrait recevoir des fonds de la part des Etats-membres lors de la conférence interministérielle de Séville le mois prochain. Cela ouvrirait la voie à une première mission en 2025. ClearSpace-1 permettrait de désorbiter un support de charge utile appartenant à un lanceur Véga.
Mais pour que la désorbitation active des débris spatiaux devienne une véritable activité commerciale, il faudra probablement attendre une pression législative. La technologie, elle, est déjà prête. On peut penser qu’une obligation de nettoyer ses débris spatiaux pourrait forcer la plupart des entreprises à avoir recours à ses services avec au final une baisse rapide du coût de désorbitation et un assainissement à long terme de l’orbite basse. La question va devenir de plus en plus centrale à mesure que OneWeb, SpaceX et Amazon vont déployer leurs méga-constellations de satellites.
Un remorqueur spatial pour le vaisseau spatial Orion et la LOP-G ?
— Actualités du 29 septembre 2019 —
Le concept de space tug ou remorqueur spatial existe depuis les années 1960, et peut-être même avant. L’idée est de concevoir un véhicule spatial dont la fonction serait de transporter du cargo d’une orbite à une autre. On peut imaginer plein de scénarios de vol différents, par exemple de l’orbite basse à l’orbite géostationnaire, ou de manière plus ambitieuse de l’orbite basse terrestre à l’orbite basse lunaire. Beaucoup de troisièmes étages de fusée peuvent être considérés comme des remorqueurs spatiaux. On peut imaginer mettre la LOP-G en orbite lunaire en n’utilisant pas le SLS et en utilisant des space tugs.
Deux lanceurs commerciaux décollent, l’un embarque le vaisseau spatial Orion et un module de la LOP-G, l’autre embarque un remorqueur spatial. Ils se rejoignent en orbite terrestre avant que le remorqueur spatial les propulse vers la Lune. Mais pour qu’un remorqueur spatial soit vraiment intéressant, il est préférable qu’il soit réutilisable, ce qui implique qu’il puisse être ravitaillé en ergols. C’est par exemple un véhicule spatial capable d’aller seul en orbite basse jusqu’à la Lune, de revenir et d’attendre sagement un nouveau cargo et un plein de carburant. En poussant le concept encore plus loin, le space tug idéal devrait être capable de se ravitailler au niveau de la Lune, ce qui augmenterait considérablement ses capacités.
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Sources